Alan Segur

« La frontière […] assume quatre fonctions essentielles : traduction, régulation, différenciation et relation. » [1]

Claude Raffestin

TABLE DES MATIÈRES :

Introduction

I. Un canal construit dans un espace transfrontalier isolé au cœur d’enjeux diplomatiques internationaux : une « triple frontière ».

A. L'élargissement de l’OTAN et de l’espace Schengen : la dimension sécuritaire du canal et de la frontière.

B. Une frontière « écologique » : allier le respect de l'environnement et le développement économique pour la lagune de la Vistule.

C. Quid de la relation polono-russe à la frontière de Kaliningrad ?

1. Déclarations et représentations : une actualité difficile.

2. Réalités administratives et économiques d’un espace transfrontalier.

II. L’enjeu de cette frontière dans la politique intérieure de la Pologne.

A. Le canal à l’aune du nationalisme du PiS.

1. L’historique du projet et sa récupération par Droit et Justice.

2. Le canal dans la rhétorique nationaliste de Droit et Justice : un canal pour une Pologne souveraine.

B. L’écologie et l'opposition, un mariage difficile.

1. Un projet qui détruit la nature et freine les relations transfrontalières avec Kaliningrad.

2. L'ambiguïté de l'opposition : le cas de Plateforme Civique et de ses alliances.

CONCLUSION

REFERENCES

BIBLIOGRAPHIE

Introduction

“Aujourd’hui, nous prouvons une nouvelle fois que la Pologne est un pays puissant [2]”. C’est par ces mots que Jaroslaw Kaczynski, leader du parti politique Droit et Justice (PiS), décrit l’ouvrage de béton qui relie désormais le port d’Elblag et la lagune de la Vistule à la mer Baltique, dont voici une photographie :

Source : Wojciech Moskwa, “Poland Opens New Canal to Baltic Sea to Bypass Russian Waters”,18/09/2022, *Bloomberg*, https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-09-17/poland-opens-new-canal-to-baltic-sea-to-bypass-russian-waters (consulté le 31/10/2022)

La date d’inauguration n’a pas été choisie au hasard, puisqu’elle a eu lieu le 17 septembre 2022, soit 83 ans après l’invasion de la Pologne par la Russie. Or, la lagune de la Vistule est justement partagée avec Moscou, qui disposait jusqu'à présent, par l’enclave de Kaliningrad, de l'unique sortie de cette étendue d’eau vers la mer Baltique :

Source : Michał Szydłowski, Tomasz Kolerski and Piotr Zima, « Impact of the Artificial Strait in the Vistula Spit on the Hydrodynamics of the Vistula Lagoon (Baltic Sea) », *MDPI*, 10/05/2019, https://www.mdpi.com/2073-4441/11/5/990

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 par la Russie, les relations avec Varsovie se sont durcies, puisque la Pologne soutient Kiev de plusieurs façons :

accueil de plus de deux millions de réfugiés ukrainiens [3] au plus fort de la crise ;
fournitures d’armes et de matériels militaires, soit de l’OTAN soit de son propre arsenal, devenant ainsi “la plaque tournante pour fournir les armes occidentales à l’Ukraine [4]”, notamment depuis l’aéroport de Rzeszow, au Sud-Est de la Pologne et à environ 170 kilomètres de la frontière ukrainienne.

Moscou, par son porte-parole Dmitri Peskov, dénonce le changement d’attitude à son égard de Varsovie, qui s’apparente selon lui à “une rhétorique très hostile de la Pologne ces derniers mois, même si elle n’est plus amicale depuis longtemps [5]”.

Cependant, ce projet ne fait pas l’unanimité en Pologne et est critiqué par de multiples personnalités publiques. Ainsi, plusieurs membres de partis politiques d’oppositions dénoncent ce chantier, comme Małgorzata Chmiel [6] de la Plateforme Civique (PO), des associations environnementales, à l’instar de Obóz dla Mierzei Wiślanej około 2 lat temu [7], voire des habitants [8] de Krynica Morska, la ville la plus proche.

Nous pouvons donc nous demander en quoi ce chantier polonais illustre la complexité des représentations de la frontière avec la Russie sur la scène politique polonaise.

I/ Un canal construit dans un espace transfrontalier isolé au cœur d’enjeux diplomatiques internationaux : une « triple frontière ».

Nota bene : le terme de “triple frontière” usité ici ne fait pas référence à un concept précis mais correspond à une analyse multiscalaire de trois niveaux (international, régional, national) avec trois thématiques différentes (sécurité, écologie et économie) et trois acteurs institutionnels (OTAN, UE et Pologne).

A - L'élargissement de l’OTAN et de l’espace Schengen : la dimension sécuritaire du canal et de la frontière.

Cette dimension sécuritaire est présente dans l’esprit de nombreux dirigeants polonais. Le PiS n’en est qu'un des avatars, puisque des responsables militaires partagent aussi ce point de vue vis-à-vis de la Russie. En effet, Moscou est le point névralgique de la Stratégie de politique étrangère polonaise de 2017 à 2021, adoptée par le ministre des Affaires étrangères Witold Jan Waszczykowski en 2017. Ces principes sont toujours affirmés deux ans plus tard par le ministre des Affaires étrangères Jacek Czaputowicz lors du discours annuel sur la politique étrangère à la Chambre Basse (Sejm). Il déclare, en présence de l’ambassadrice étasunienne Georgette Mosbacher et du Président polonais Andrzej Duda, que “notre aspiration à devenir le cœur de la présence militaire de l'OTAN et des États-Unis dans la région est réaliste”.

Cette coopération accrue avec l’OTAN, et surtout avec les Etats-Unis, a des conséquences concrètes pour le canal de la Vistule. En effet, cela aboutit à la construction d’une base militaire de l’Alliance à Elblag, située à environ 50 kilomètres de la frontière avec l’oblast de Kaliningrad. Il s'agit du Quartier général de la Division multinationale Nord-Est (MND-NE) qui célèbre, le 6 décembre 2019, sa première année de pleine capacité opérationnelle. Cependant, ce n’est ni une force offensive ni une force défensive, puisqu’il n’y a pas de régiments d'infanterie conséquents et aucun équipement naval. Il s’agit de rappeler symboliquement la présence de l’Alliance à Moscou. C’est un effet dissuasif, alimenté par l’article 5 du Traité de l'Atlantique Nord [9]. Ce dernier stipule qu'en cas d’assaut contre l’un de ses membres, c’est toute l’Alliance qui contre-attaque.

Cette logique d’attaque et de contre-attaque est attisée par de multiples manœuvres militaires et déclarations de dirigeants de l’OTAN et de la Russie. Ainsi, cette escalade de provocations réciproques permet de justifier pour les deux camps un investissement financier, matériel et humain dans des systèmes de défense. Aux exercices militaires russes, comme ceux d’octobre 2019 baptisés “Grom-2019”, qui mobilisent “12 000 soldats et le tir de 6 missiles balistiques et de croisière [10]”, l’OTAN réplique. En effet, l’Alliance déploie “un bataillon de soldats et de dizaines de chars […], pour une rotation sans précédent de six mois, dans le cadre d'une opération dissuasive adressée à la Russie voisine [11]”.

Outre l’OTAN, la Pologne est également aux avant-postes de l’espace Schengen avec la Russie, comme nous pouvons le constater :

Source : ”Les pays membres de l’espace Schengen”, 15/02/2022, https://www.touteleurope.eu/les-pays-membres-de-l-espace-schengen/

La Pologne a intégré ce dispositif en 2007, après avoir rejoint l’UE en 2004. Cet espace s'appuie sur les accords du même nom, signés en 1985 et en 1990. Regroupant “26 Etats européens, l'espace Schengen autorise la libre circulation des personnes et harmonise les contrôles des voyageurs en leur sein [12]”. Cependant, l’agence de l’UE chargée de son application, Frontex, n’est pas autonome puisque ce sont “Les Etats membres de l’Union européenne et de l’espace Schengen sont responsables du contrôle de leurs frontières [13]”

Toutefois, l’argument sécuritaire pour justifier la construction du canal ne fait pas pour autant l'unanimité, y compris dans l’armée polonaise. Des officiers critiquent cette idée comme le général à la retraite Mirosław Różański. Pour lui, il n’y a “pas d'arguments d'un point de vue militaire. La lagune de la Vistule, qui est protégée par la presqu'île de la Vistule, à des paramètres nautiques tels que même le plus petit navire de la marine n'est pas en mesure de manœuvrer là-bas [14]”.

b - Une frontière « écologique » : allier le respect de l'environnement et le développement économique pour la lagune de la Vistule.

Cette frontière polono-russe est composée d’une biosphère protégée où la Pologne et l'Union européenne tentent d'élaborer un modèle économique viable pour un espace frontalier en difficulté économique et démographique.

L’ancien député Jerzy Wilk, lors de son discours au Sejm, déclare que le canal doit “donner une impulsion supplémentaire au développement économique de toutes les municipalités situées sur la lagune de la Vistule [15]”. L’Union européenne souhaite également investir pour la lagune intégrée au réseau Natura 2000. A ce titre, elle a lancé deux programmes :

“Vistula Lagoon FLAG” [16], divisé en deux périodes : de 2007 à 2013 et de 2014 à 2020. Son objectif est de permettre la convergence des secteurs de la pêche et du tourisme, piliers du modèle économique préexistant. Par l'intermédiaire du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (EMFF), l’UE apporte un soutien financier de 775 083 euros pour un budget total de 2 088 333 euros pour la période 2014-2020. Ce programme concerne la partie de la lagune qui se situe dans la Voïvodie de Varmie-Mazurie, illustré ci-après :

L’autre programme, baptisé “Vistula Spit Fishing Community FLAG”, cherche lui aussi la convergence des secteurs de la pêche et du tourisme. Son budget pour la période 2014-2020 est de 2 271 000 euros, dont 1 930 350 euros proviennent de l’UE. Voici la carte du programme :

Cette perspective d’un développement durable cohérent respectueux des spécificités des deux voïvodies (Poméranie et Varmie-Mazurie) s’inscrit dans le respect des deux directives européennes qui cadre le réseau Natura 2000 :

92/43/CEE DU CONSEIL du 21 mai 1992 [17] concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
2009/147/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL [18] du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

Ces contraintes peuvent paraître lourdes, mais l’Article 2 du texte de 1992 dispose que “les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales”. Cette nuance engendre un certain flou concernant l’application de cette directive, puisqu’il suffit en contrepartie de reconstituer des biotopes détruits par exemple.

Dès lors, la parade est trouvée pour le parti Droit et Justice, malgré l’opposition préalable de l’Union européenne [19] : cette lagune et ses environs (Varmie-Mazurie notamment) font face à de nombreuses difficultés (économiques, démographiques …). Il est donc nécessaire d’investir puisque les activités traditionnelles (pêche et tourisme) ne suffisent visiblement pas pour développer cet espace. De plus, la lagune est à cheval sur la frontière entre la Pologne et la Russie, il est ainsi question de souveraineté. Enfin, pour compenser la destruction d’une partie de la dune, le consortium chargé de la mise en oeuvre du projet (Besix et NDI Group), a prévu la construction d’une île artificielle “d'environ 180 hectares”, qui “servira exclusivement d' espace naturel, en l'occurrence un sanctuaire pour la faune locale et les oiseaux migrateurs [20]”.

c - Quid de la relation polono-russe à la frontière de Kaliningrad ?

Déclarations et représentations : une actualité difficile.

L'hostilité réciproque entre Moscou et Varsovie peut s’illustrer par cette frontière “coupure”, composée de forêts traversées par de petites routes (deux fois une voie) mal entretenues, signe d’un manque d’intérêt et/ou d’un rejet. Cette supposition d’un isolement de cet espace transfrontalier est consolidée par les invectives distribuées régulièrement par des responsables politiques polonais et russes [22]. Les premiers accusent leurs homologues de “renouer avec la propagande stalinienne”, homologues qui répondent que Varsovie est “le principal acteur de l'adoption des sanctions européennes anti-russes”. Moscou est incarnée ici (la petite “île” grise entre la Lituanie et la Pologne) par l’oblast de Kaliningrad, un territoire d'environ 15 125 km2 pour près de 950 000 habitants, ceinturé à la fois par des pays membres de l'Union européenne et de l’OTAN :

Source : Enhanced Forward Presence (EFP), *NATO*, https://lc.nato.int/operations/enhanced-forward-presence-efp (consulté le 08/11/2022)

En guise de comparaison [23], la population polonaise est de 37,781,024 habitants pour 312 679 km2 . Cela peut sembler surprenant qu'un territoire environ 20 fois plus petit et plus de 40 fois moins peuplé, situé à près de 600 kilomètres de la métropole russe, paraisse menaçant pour Varsovie.

Pourtant, la méfiance règne près de la frontière chez une partie de la population polonaise, d’autant plus depuis la guerre en Ukraine, comme l’illustre la construction d’un mur côté polonais [24]. La Pologne n’est indépendante que depuis une trentaine d'années seulement, après presque deux siècles de domination russe. Une habitante de Braniewo s’explique : « Mes parents m'ont toujours dit qu'avec les Russes, il faut s'attendre à tout. Ils ont vécu les deux Guerres Mondiales et ils craignaient plus les Russes que les Allemands [25]”. De plus, c'est à la suite de la conférence de Potsdam en 1945 que Staline crée cette frontière. En effet, il coupe en deux la lagune de la Vistule et déplace les populations locales (lituanienne et allemandes) pour les remplacer par des russes [26]. Outre le passif historique, le Kremlin souhaite garder une influence décisive sur ce qu'il considère comme son “étranger proche”, c’est-à-dire l’ancien espace soviétique, continuité de l'Empire russe, dont a fait partie la Pologne. Et Moscou n’entend pas abandonner l’oblast de Kaliningrad, son seul port en eaux profondes de la mer Baltique qui n'est pas gelé en hiver. C’est pourquoi cette enclave est la “région la plus militarisée d'Europe [27]”.

Certes, la peur de l’autre est perceptible chez les populations polonaises frontalières plus âgées qui ont connu l’époque soviétique. Cependant, d'après une étude [28] des géographes Vladimir Kolossov, Maria Zotova et Alexander Sebentsov, les populations plus jeunes, nées après la chute de l’URSS en 1991, perçoivent Kaliningrad autrement. Ainsi, l’oblast est vu par les personnes interrogées comme “une région sous-développée”, gangrénée par la “vodka et l’ivresse”. D’autres termes dépréciatifs, non relatifs à la peur, sont régulièrement usités, comme “froid, SIDA, Staline et Poutine, mafia, camps de concentration, frontière difficile”. C’est pourquoi seulement 12% des étudiants polonais interrogés se sont déjà rendus à Kaliningrad.

2) Réalités administratives et économiques d’un espace transfrontalier

Avec la fin de l'URSS, Moscou et Varsovie doivent redéfinir leurs politiques de voisinage suite à l'indépendance de cette dernière. Le Kremlin comprend rapidement l’enjeu que représente la désormais enclave de Kaliningrad. Territoire russe le plus à l'ouest, il devient le centre d’âpres négociations avec les pays voisins et l’UE. Ainsi, en 1991, Kaliningrad obtient le statut de zone économique franche “Yantar” (“ambre” en russe) puis en 1996 le statut de zone économique spéciale (ZES). L’Union a conscience que l’enclave a besoin de ses voisins et Bruxelles souhaite développer l’espace Baltique qui accuse un retard de développement économique, industriel, social et environnemental important. Dès 2002, Romano Prodi, à l’époque Président de la Commission européenne, déclare que “Kaliningrad pourrait devenir un exemple de ce que l'UE et la Russie pourraient réaliser dans leurs relations en général [29]”. De plus, favoriser la coopération transfrontalière avec l’oblast serait un moyen de l’éloigner du giron centralisateur de Moscou, réduisant la menace que fait planer la flotte de la Baltique. Le système du LBT (Local Border Traffic) est mis en place en juillet 2012 après la signature des accords en décembre 2011. Il s'agit de "procédures simplifiées de franchissement des frontières pour les personnes résidant, selon la règle générale, dans une zone de 30 (maximum 50) km de la frontière dans chacun des États voisins” [30].

Source : Arnaud MULLER, L’opposition politique à Kaliningrad, *IFG*, 2019, https://omeka.geopolitique.net/files/original/eda5d7897426cdc6f9297d4deb144223.pdf (consulté le 0811/2022)

Dans ce jeu d'équilibriste, la lagune de la Vistule est l’objet de contentieux. Les pourparlers à la chute de l’Union Soviéitique ouvrent le plan d’eau à la circulation maritime. Toutefois, bénéficiant sur son territoire de l’unique sortie, la Russie en bloque l'accès à de fnombreuses reprises. Ce regain de tension atteint le point de non retour lorsque la Pologne intègre l’UE en 2004. Moscou “a décidé que les dispositions de l'accord de 1945 sont caduques et qu'il est nécessaire de signer un nouvel accord sur les possibilités de navigation [31]”. Pendant près d’une décennie, les deux parties ne parviennent pas à s'accorder. Les autorités polonaises ne peuvent se résoudre à cette hégémonie russe qui d'après elles viole la Convention des Nations Unies [32] sur le droit de la mer (UNCLOS). En effet, l’Article 1976 dispose que “le passage est inoffensif aussi le temps qu'il ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre et la sécurité de l’Etat côtier”. Or, l’article 7 précise que “les navires de tous les Etats, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale”. S'estimant dans leur bon droit, les autorités polonaises maintiennent leurs conditions. Le port de la ville d’Elblag, plus grande municipalité de la voïvodie de Varmie-Mazurie, pourvoyeur important d'emplois pour la ville, est en difficulté. Et les blocages récurrents de l’unique sortie de la lagune par les Russes freinent son développement. Pour Moscou, il s’agit de contrôler le passage des navires face à son port militaire de Baltiisk, siège de la flotte de la mer Baltique, qui comporte des sous-marins nucléaires.

II/ L’enjeu de cette frontière dans la politique intérieure de la Pologne.

A - Le canal l’aune du nationalisme du PiS

Nota Bene : « nationalisme » est un mot polysémique mais régulièrement usité, en France et en Pologne, pour décrire le gouvernement polonais du PiS. Pour mon interprétation de ce terme, je m'appuie sur l’ ouvrage d’Umut Özkirimli, Theories of Nationalism. A Critical Introduction [33].

Ainsi, dans le cas polonais, le nationalisme serait une théorie dans laquelle “l'humanité est divisée en nations distinctes et objectivement identifiables “. La nation serait donc “le seul dépositaire de la souveraineté et la seule source de pouvoir politique et de légitimité. Cela s'accompagne d'une multitude de revendications temporelles et spatiales, avec une histoire et un destin unique, et une “patrie” historique”.

1) L’historique du projet et sa récupération par Droit et Justice.

Ce n’est pas le parti dirigé par Jaroslaw Kaczyński qui est le premier à vouloir construire un canal pour la lagune. Pourtant, c’est ce dernier qui en fait la promotion et lance les travaux. Le 3 avril 2017, le Président de la République Andrej Duda valide le projet de loi relatif à la construction d’un canal reliant la lagune de la Vistule à la baie de Gdansk. C’est l’aboutissement d’un projet dont les premières traces remontent au XVIe siècle avec le roi Stefan Batory. C’est justement à cette histoire ancienne que fait référence le député Jerzy Wilk dans un discours au Sejm [34]. Il place ainsi le PiS comme moteur du renouveau de la puissance polonaise, puisqu'il précise que c'est depuis le retour au pouvoir du parti Droit et Justice “qu'il y a la volonté et l'acceptation politique de cet investissement”. Et ce renouveau s’incarnerait dans le canal et dans la ville d’Elblag, qui doit “être un port, une fenêtre moderne sur le monde”.

Cette représentation d’un PiS à l'avant-garde des partisans du canal est à nuancer. En effet, c’est une sénatrice de l'opposition, Elżbieta Gelert, qui a commandé la statue appelant à la construction d’un tel édifice, et ce quelques mois avant la déclaration de Jaroslaw

Kaczyński du 10 novembre 2006 à Elblag. Il convient également de préciser que Batory voulait construire un canal pour contourner la ville de Gdansk, alors en guerre contre le royaume de Pologne. Jerzy Wilk n’en fait nullement mention. Mais Gdansk, et plus généralement la voïvodie de Poméranie, est l’un des derniers bastions tenu par la Plateforme Civique, le principal parti d’opposition.

Dans son allocution au Sejm, le député d’Elblag déclare que pour mener à bien ce projet, il est nécessaire de “raccourcir les procédures administratives et de regrouper les décisions actuellement rendues séparément dans un seul acte administratif”. C’est chose faite puisque le PiS a créé le ministère de l'Économie Maritime et de la Navigation Intérieure le 8 décembre 2015. Cette création n’est pas sans conséquences décisionnelles puisque la lagune de la Vistule, “en raison de son statut d’eau intérieure, est gérée par l'administration maritime. Les municipalités n'ont pas de mandat pour planifier l'utilisation de cette zone [35]”. Le gouvernement et ses relais institutionnels locaux, notamment les voïvodes, ont donc les mains libres pour piloter le chantier.

A ce renforcement structurel s’ajoute le renforcement politique. En effet, ce projet est déclaré “légitime” puisqu’il a fait presque l'unanimité à la chambre basse lors du vote le 24 février 2017 : seuls 9 députés étaient contre, 401 pour. De plus, lors des dernières élections parlementaires, en 2019, le PiS allié avec d’autres partis dans la coalition Droite Unie, dispose de la majorité absolue au parlement, avec 51.09 % des sièges, comme le montre le tableau suivant :

Source : “Polish Parliamentary Election”, *Sejm*, 2019, Sejm voting results (pkw.gov.pl) (consulté le 09/11/2022)

Si le PiS dispose du pouvoir politique et institutionnel pour mener à bien ce chantier du canal de la Vistule, des consultations publiques [36] ont été menées auprès des populations locales. La première en 2012, la seconde en 2015. A chaque fois, elles se sont déroulées dans plusieurs villes de la lagune, notamment Elblag, Krynika Morska et Sztutowo. La majorité des participants aurait été favorable à ce projet, les plus “réfractaires” venant de Krynika, la ville la plus proche du chantier.

2) Le canal dans la rhétorique nationaliste de Droit et Justice : un canal pour une Pologne souveraine.

Cet aspect sécuritaire du canal est au cœur de la logique nationaliste prônée par Droit Justice. Le contrôle strict des frontières va de pair avec l'indépendance de la Pologne et un passé perçu comme glorieux. Le pouvoir des représentations est donc très puissant en Pologne comme le rappelle le politologue et sociologue Georges Mink. L’auteur y décrit les polonais comme “littéralement dévorés par le complexe du royaume assassiné”. C’est le “royaume des Jagellons, dont la tâche s’étalait crânement sur la carte de l’Europe [37]”. Il n’est donc pas surprenant qu'en 2015, le leader du PiS, Jarosław Kaczyński, alors que des membres de l'opposition appellaient à une enquête de l'Union européenne sur la réforme du Tribunal constitutionnel, déclare qu'il s’agissait “d’une horrible tradition de trahison nationale, une propension à informer les entités étrangères sur la Pologne. C’est comme si c’était dans leurs gènes, les gènes des polonais de la pire espèce [38]”.

Mais la sécurité ne fait pas tout. Pour que la Pologne redevienne une grande puissance européenne sans dépendre d’autres pays, à l’instar du temps des Jagellons, il paraît essentiel pour le PiS de développer son économie. C’est pourquoi le directeur du port maritime d'Elblag, Arkadiusz Zglinski, déclare que “la construction du canal est cruciale pour le développement du port déjà existant et elle permettra de développer l'économie dans toute la région [39]”. Rien de surprenant dans ces conditions que le projet du canal, qui mobilise plusieurs de 200 millions d’euros, obtient les faveurs d’une part importante des habitants de la lagune, face au 4 millions de l’UE avec les deux programmes FLAG. La Varmie Mazurie est l’une des régions les plus en difficulté du pays. En effet, la voïvodiese caractérise depuis des années par le taux de chômage le plus élevé de Pologne, qui atteint [40] 9.1 % en 2022 contre 4.8 % à l’échelle nationale [41].

B - L’écologie et l’opposition, un mariage difficile

A) Un projet qui détruit la nature et freine les relations transfrontalières avec Kaliningrad.

Un “manque de sensibilité envers la nature [42]” clame l'association écologiste Camp pour la presqu’île de la Vistule (Obóz dla Mierzei Wiślanej), qui s’oppose à la construction de ce canal. Pour ces militants ce projet est irrationnel, ce serait un gaspillage d’argent public puisque le port de Gdansk, situé à moins de 50 km du canal, est le premier port polonais, avec 2 117 829 d’EVP [43] en 2017. Ainsi, investir des centaines de millions de zlotys pour développer celui d’Elblag serait une mascarade car il y a tout à faire. Vétuste, il est incapable de réceptionner des dizaines de navires marchands d’une centaine de mètres par jour. De plus, la profondeur de la rivière qui relie cette ville à la lagune n’est pas adaptée non plus, inférieure aux 5 mètres du canal terminé. Elle va devoir être creusée et ses berges aménagées [44]. Là encore, les conséquences environnementales sont importantes. Illustration de ce décalage entre le port de Gdansk et celui d’Elblag : l’Agia Trias, un navire de 290 m de long, et qui n'est pas le plus grand que puisse accueillir Gdansk. Il a transbordé 185 820 tonnes de marchandises en avril 2017 [45], alors que le port d’Elblag, pour l’année entière, n’a transbordé que 100 000 tonnes de marchandises [46]. Ajoutons que l’hiver, la lagune ainsi que le port de cette ville peuvent être gelés plusieurs jours, comme en décembre 2021 [47]. Enfin, la Pologne manque d’eau régulièrement :”un Polonais dispose de 1.600 m3 d'eau par an, soit trois fois moins que la moyenne dans l'Union européenne” selon la Cour des Comptes polonaise (NIK), citée par l’AFP le 27 juillet 2019 [48]. Tout miser sur le transport fluvial est donc une aberration sur le long terme pour ces militants.

Finalement, craindre les russes est une idée efficace pour rejeter le LBT au profit du canal et engranger des victoires électorales pour le PiS. Le LBT, qui est un accord tripartite entre Moscou, Bruxelles et Varsovie, valable de 2012 à 2017, a pourtant porté ses fruits selon l’UE [49]. Une étude [50] réalisée peu après la fin de ce programme corrobore cette affirmation, avec ce graphique comme illustration :

Nous pouvons constater que le nombre de commerces “concernés” par le LBT à Elblag a augmenté en cinq ans. Or, leurs responsables souhaitent intégrer cet accord seulement s’il y a des opportunités économiques. Cela se traduit par une plus grande fréquentation et donc potentiellement par la création d'emplois comme le montre le graphique [51] qui suit :

2) L’ambiguïté de l’opposition : le cas de Plateforme Civique et de ses alliances

En effet, les discours des ces alliances vis-à-vis du canal varient en fonction du lieu où se déroulent les élections. Ainsi, à l’été 2016, “le sénateur Wcisła a demandé la transformation de la voie navigable internationale E70 (MDW E70), reliant la lagune de la Vistule et Elbląg au ports d’Europe occidentale [52]”. Le sénateur Jerzy Wcisla est affilié à la Plateforme Civique, le principal parti d'opposition. Trois ans plus tard, plusieurs personnalités de ce parti s'opposent au percement de la presqu'île de la Vistule lors d’une conférence de presse aux abords du chantier [53] à l’instar de Małgorzata Chmiel et d’Agnieszka Pomaska. Est-ce l’alliance avec le Parti Vert pour les élections parlementaires de 2019 qui ont poussé les élus de la Plateforme à s’opposer à ce projet ? En effet, dans leur programme [54], les Vert dénoncent les multiples atteintes environnementales du gouvernement du PiS. Mais une élection à Elblag se gagne grâce au canal nous rappelle Ryszarda Socha [55]. C’est pourquoi Jerzy Wcisla, tout comme son homonyme du PiS Jerzy Wilk, ont axé leur campagne sur la défense de ce projet. Et ils ont tous les deux gagné.

A ces contradictions dans la Plateforme Civique (PO), il faut ajouter ce qui est perçu par une partie de la population polonaise comme un “retournement de veste [56]” de la part de plusieurs élus de la Plateforme. En effet, lors du vote du projet de loi relatif au canal en 2017, l'unanimité était de mise puisque sur 428 votants, seulement 9 s’y sont opposés. Małgorzata Chmiel et Agnieszka Pomaska comptaient parmi les partisans du projet. Ces contradictions internes se sont exacerbées avec les élections européennes. Ainsi, pour la PO et ses alliés regroupés dans la “Plateforme européenne” :

premièrement, le canal n’est pas un problème ;
deuxièmement, l’UE n’est pas opposée à ce projet ;
finalement, c’est la méthode du PiS qui est remise en question. En effet, “la lagune de la Vistule est protégée par des directives environnementales de la Commission européenne. L'investissement qui a un impact sur cet environnement doit être mis en œuvre sous le contrôle de la Commission européenne [57]”.

Ce changement peut expliquer la victoire surprise de la Coalition Européenne à Elblag, alors que la circonscription d’Olsztyn, dont elle dépend, est remportée par la Droite-Unie :

Source : European Parliament Election 2019, 05/07/2022, Results of European Parliament Election 2019 | Commune m. Elbląg (pkw.gov.pl)

Ce résultat est d'autant plus surprenant que les dernières élections législatives ont consacré la domination de Droite Unie du PiS à Elblag.

Conclusion

Comme nous pouvons le constater, la guerre en Ukraine a des échos jusque sur les rives de la mer Baltique. Le gouvernement polonais a ainsi choisi d’inaugurer le nouveau canal traversant la lagune de la Vistule 83 ans après l’invasion soviétique de la Pologne.

Si ce projet a fait l’unanimité lors de son vote au Sejm en 2017, il est devenu un sujet de discorde entre le parti au pouvoir, le PiS, et les partis d’opposition alliés à la Plateforme Civique. Outre la destruction d’espaces naturels protégés, son coût, estimé à plus de 2 milliards de zlotys (soit plus de 400 millions d’euros [58]), ne sera pas amorti avant plusieurs décennies selon les prévisions. En effet, le trafic maritime dans une lagune parfois gelée en hiver et de faible profondeur est anecdotique par rapport à celui de Gdansk, le plus grand port polonais, situé à environ 50 kilomètres seulement. Le Président polonais a reconnu lui-même lors de l’inauguration que les enjeux économiques sont secondaires, au profit d’enjeux symboliques : “l'idée était de garder cette route symboliquement ouverte, afin que nous n'ayons pas à demander la permission à un pays qui ne nous est pas ami, un pays dont les autorités n'hésitent pas à attaquer et asservir les autres [59]”.

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[13] Adrien Palluet, “Qu’est-ce que Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ?”, 03/05/2022, Toute l’Europe, Qu'est-ce que Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ? - Touteleurope.eu (consulté le 03/11/2022)

[14] Edyta Żemla, “Général Mirosław Różański: Je ne suis pas un expert en démantèlement de l'armée” (Gen. Mir sław Różański: nie jestem ekspertem od demontażu armii), Onet, 15/04/2019, Gen. Mirosław Różański: nie jestem ekspertem od demontażu armii - Wiadomości (onet.pl) (consulté le 03/11/2022)

[15] Jerzy Wilk, “dostarczenia dodatkowego impulsu do rozwoju gospodarczego wszystkich gmin położonych nad Zalewem Wiślanym”, Sejm, 22/02/2017, Wypowiedzi na posiedzeniach Sejmu - Sejm Rzeczypospolitej Polskiej (consulté le 03/11/2022)

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[17] DIRECTIVE 92/43/CEE DU CONSEIL, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000339498

[18] DIRECTIVE 2009/147/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, https://inpn.mnhn.fr/docs/natura2000/Directive_oiseaux_version_2009.pdf

[19] Karol Witenberg, “Poland defies green activists, EU with Baltic canal project”, Reuters, 04/03/2019, https://www.reuters.com/article/us-poland-environment-vistulaspit-idUSKCN1QL1AN (consulté le 04/11/2022)

[20] “BESIX: Des travaux d'infrastructures maritimes majeurs en Pologne”, Besix, 07/10/2019, https://press.besix.com/besixdestravauxdinfrastructuresmaritimesmajeursenpologne (consulté le 03/11/2022)

[21] Ce terme est entendu ici comme “la manière dont une population perçoit son histoire collective, son essence, son territoire, ou celles et celui de populations admises comme différentes, en son sein ou à l’extérieur d’un espace donné.” in Frédéric Encel, “Questions de géopolitique ou la géopolitique en question”, Journal Open Edition, 2007, https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/1573?lang=en (consulté le 08/11/2022)

[22] “La Pologne et la Russie se déchirent à propos de la Seconde guerre mondiale”, L’Express avec AFP, 22/12/2019, La Pologne et la Russie se déchirent à propos de la Seconde guerre mondiale - L'Express (lexpress.fr) (consulté le 08/11/2022)

[23] “Population, total - Poland”, World Bank, 2021, https://data.worldbank.org/indicator/SP.POP.TOTL?locations=PL (consulté le 08/11/2022)

[24] “La Pologne construit une barrière à la frontière avec l'exclave russe de Kaliningrad”, Le Figaro avec AFP, 02/11/2022,

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[25] Alex Tabankia et Fanny Boucaud, “80 ans après, la peur de l'invasion russe reste toujours présente en Pologne”, RTBF, 31/08/2019, 80 ans après, la peur de l'invasion russe reste toujours présente en Pologne - rtbf.be (consulté le 08/11/2011)

[26] Yann Richard, Alexander Sebentsov, M. V. Zotova,“The Russian exclave of Kaliningrad. Challenges and limits of its integration in the Baltic region”, Research Gate, 01/2015, https://www.researchgate.net/publication/275224796_The_Russian_exclave_of_Kaliningrad_Challenges_and_limits_of_its_integration_in_the_Baltic_region (consulté le 08/11/2022)

[27] Barbara Jankowski, “Le revirement de la politique de sécurité de la pologne depuis l'arrivée au pouvoir du parti Droit et justice (PiS) : un examen des sources polonaises”, Les Champs de Mars, 2017/1 (N° 29), pages 225 à 239

[28] Yann Richard, Alexander Sebentsov, M. V. Zotova,“The Russian exclave of Kaliningrad. Challenges and limits of its integration in the Baltic region”, Research Gate, 01/2015, https://www.researchgate.net/publication/275224796_The_Russian_exclave_of_Kaliningrad_Challenges_and_limits_of_its_integration_in_the_Baltic_region (consulté le 08/11/2022)

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[33]“The nationalists believe that humanity is divided into distinct, objectively identifiable nations […] The nation is the sole depository of sovereignty and the only source of political power and legitimacy. This comes with a host of temporal and spatial claims – to a unique history and destiny, and a historic ‘homeland’” (p. 51) “history, folklore and literature which acquired a veritable nation-building mission” (p. 51) “Second, there is the theme of golden age” (p.51) “Third, there is the theme of the superiority of the national culture » (p. 52) “Fourth, there is the theme of periods of recess” (p. 52) “theme of the national hero, who comes and awakens the nation, ending this accidental period of decadence” (p. 52), ÖZKIRIMLI Umut, Theories of Nationalism. A Critical Introduction, Second Edition, PALGRAVE MACMILLAN, New York, 2010

[34] Jerzy Wilk, « Déclarations aux réunions de la Sejm » (Wypowiedzi na posiedzeniach Sejmu), Sejm, http://www.sejm.gov.pl/sejm8.nsf/wypowiedz.xsp?posiedzenie=36&dzien=1&wyp=53&view=3 (consulté le 9/11/2022)

[35] “jednakże ze względu na status morskich wód wewnętrznych jest on zarządzany przez administrację morską Gminy nie a ą mandatu d plan wania wykorzystania tego obszaru” in Michał Olenycz et Anna Barańska, “Rapport de synthèse sur l'analyse des données disponibles et les inventaires naturels réalisés (collecte et analyse des résultats de l'inventaire, matériaux non publiés et études publiées, utiles pour préparer des projets de plans) pour la lagune de la Vistule (PLH 280007)” (Zbiorcze spraw zdanie z analizy dostępnych danych i przeprowadzonych inwentaryzacji przyrodniczych (zebranie i analiza wyników inwentaryzacji, materiałów niepublikowanycji opracowań publikowanych, przydatnych do sporządzenia proektów planów) Zalew Wiślany i Mierzeja Wiślana ( LH 280007), 2014, https://www.umgdy.gov.pl/wpcontent/uploads/2014/09/IOW_POIS_Sprawozdanie_zbiorcze_PLH_280007.pdf (consulté le 12/11/2022)

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[50] Iwona Sagan, Vladimir Kolosov, Dominika Studzińska, Maria Zotova, Alexander Sebents et Klaudia Nowicka, “The local border traffic zone experiment as an instrument of cross-border integration: The case of Polish-Russian borderland”, ResearchGate, 01/2018, (PDF) The local border traffic zone experiment as an instrument of cross-border integration: The case of Polish-Russian borderland (researchgate.net) (consulté le 11/11/2022)

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[59] “The idea was to keep this road symbolically open, so that we would not have to ask permission from a country that is not friendly to us, a country whose authorities do not hesitate to attack and enslave others” in “Polish President: opening of the canal through the Vistula Spit is a great victory for Poland”, Poland at Sea, 19/11/2022 https://www.polandatsea.com/polish-president-opening-of-the-canal-through-the-vistula-spit-is-a-great-victory-for-poland/ (consulté le 11/11/2022)

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Ce terme est entendu ici comme “la manière dont une population perçoit son histoire collective, son essence, son territoire, ou celles et celui de populations admises comme différentes, en son sein ou à l’extérieur d’un espace donné.” in Frédéric Encel, “Questions de géopolitique ou la géopolitique en question”, Journal Open Edition, 2007, https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/1573?lang=en (consulté le 08/11/2022)

“Le choix de renforcer le flanc oriental demeure une solution très symbolique : il s’a it d’ancrer matériellement et territorialement et la clause de défense mutuelle de l’article 5 du traité de Washington.”, Amélie Zima, “Sommet de l’OTAN à Varsovie : un bilan”, Politique étrangère, 04/2016, pages 153 à 165

“Simplified border-crossing procedures for individuals residing, according to the general rule, within a 30 (maximum 50) km area from the border in each of the neighbouring states” in

“Strengthening and consolidating NATO (including the reinforcement of the eastern flank of NATO); maintaining a strategic partnership with the US”, Justyna Zajac, “Polish Perception of Security Threats and Challenges of the 21st Century”, France and Poland Facing the Evolution of the Security Environment, INSERM, 06/2018, https://www.researchgate.net/publication/326492806_Polish_Perception_of_Security_Threats_and_Challenges_of_the_21st_Century (consulté le 03/11/2022)

“The nationalists believe that humanity is divided into distinct, objectively identifiable nations […] The nation is the sole depository of sovereignty and the only source of political power and legitimacy. This comes with a host of temporal and spatial claims – to a unique history and destiny, and a historic ‘homeland’” (p. 51) “history, folklore and literature which acquired a veritable nation-building mission” (p. 51) “Second, there is the theme of golden age” (p.51) “Third, there is the theme of the superiority of the national culture » (p. 52) “Fourth, there is the theme of periods of recess” ((p. 52) “theme of the national hero, who comes and awakens the nation, ending this accidental period of decadence” (p. 52), ÖZKIRIMLI Umut, Theories of Nationalism. A Critical Introduction, Second Edition, PALGRAVE MACMILLAN, New York, 2010

Articles de presse :

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Edyta Żemla, “Général Mirosław Różański: Je ne suis pas un expert en démantèlement de l'armée” (Gen. Mir sław Różański: nie jestem ekspertem od demontażu armii), Onet, 15/04/2019, Gen. Mirosław Różański: nie jestem ekspertem od demontażu armii - Wiadomości (onet.pl) (consulté le 03/11/2022)

Jaroslaw Kaczynski, “Poland is a truly independent, sovereign and strong nation that matters” in “Poland opens new canal for ships to sail from Baltic Sea to Vistula Lagoon ports”, Industan Times, 18/09/2022, https://www.hindustantimes.com/lifestyle/travel/poland-opens-new-canal-for-ships-to-sail-from-baltic-sea-to-vistula-lagoon-ports-101663511060194.html (consulté le 31/10/2022)

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Wojciech Moskwa, “Poland Opens New Canal to Baltic Sea to Bypass Russian Waters”,18/09/2022, Bloomberg, https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-09-17/poland-opens-new-canal-to-baltic-sea-to-bypass-russian-waters (consulté le 31/10/2022)

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“brak czułości wobec natury” in “Manifestation nue sur la Vistule” (Nagi protest na Mierzei Wiślanej), Fakt, 14/02/2020, https://www.fakt.pl/wydarzenia/polska/trojmiasto/mierzeja-wislana-nagi-protest/rgw3vvv (consulté le 11/11/2022)

“Construction du canal à travers la Vistule, l'autre partie du débat social” (Bud wa kanału przez Mierze ę Wiślaną - k niec dru ie debaty społeczne), Gospodarkamorska, 08/04/2015, Budowa kanału przez Mierzeję Wiślaną - koniec drugiej debaty społecznej (gospodarkamorska.pl) (consulté le 09/11/2022)

“Ils critiquent le début des travaux de la presqu’île. Ils ont voté la loi eux-mêmes” (Krytykują rozpoczęcie prac nad przek pe Mierzei. Sami głosowali za specustawą), Polskie Radio 24, 20/02/2019, Krytykują rozpoczęcie prac nad przekopem Mierzei. Sami głosowali za specustawą - Wiadomości - polskieradio24.pl (consulté le 11/11/2022)

“jednakże ze względu na status morskich wód wewnętrznych jest on zarządzany przez administrację morską Gminy nie a ą mandatu d plan wania wykorzystania tego obszaru” in Michał Olenycz et Anna Barańska, “Rapport de synthèse sur l'analyse des données disponibles et les inventaires naturels réalisés (collecte et analyse des résultats de l'inventaire, matériaux non publiés et études publiées, utiles pour préparer des projets de plans) pour la lagune de la Vistule (PLH 280007)” (Zbiorcze spraw zdanie z analizy dostępnych danych i przeprowadzonych inwentaryzacji przyrodniczych (zebranie i analiza wyników inwentaryzacji, materiałów niepublikowanycji opracowań publikowanych, przydatnych do sporządzenia proektów planów) Zalew Wiślany i Mierzeja Wiślana ( LH 280007),2014,https://www.umgdy.gov.pl/wpcontent/uploads/2014/09/IOW_POIS_Sprawozdanie_zbiorcze_PLH_280007.pdf (consulté le 12/11/2022)

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“La Pologne, désert d'Europe”, GEO, 11/01/2022, La Pologne, "désert d'Europe" - Geo.fr (consulté le 11/11/2022)

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“L'opposition n'aime pas l'indépendance de la Pologne vis-à-vis de la Russie dans la lagune de la Vistule” (uniezależnienie się Polski od Rosji na Zalewie Wiślany nie podoba się opozycji), TVP Info, 16/07/2019, KO krytykuje przekop Mierzei Wiślanej: „bezmyślnie wyrżnięty las” - tvp.info (consulté le 11/11/2022)

“Our aspiration to become the core of the NATO and US military presence in our region is realistic” in “Poland may become 'core' of NATO, US regional military presence”, The First News, 14/03/2020, https://www.thefirstnews.com/article/poland-may-become-core-of-nato-us-regional-military-presence---fm-5152 (consulté le 03/11/2022)

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“Sailing on the Vistula Lagoon and the Elbląg River stopped. The reason is frost and ice”, Polish News, 30/12/2021, https://polishnews.co.uk/sailing-on-the-vistula-lagoon-and-the-elblag-river-stopped-the-reason-is-frost-and-ice/ (consulté le 11/11/2022)

“Senator Wcisła zł żył wniosek, by w pierwszej kolejności dokonać rewitalizacji i Międzynarodowej Drogi Wodnej E70 (MDW E70), łączącej Zalew Wiślany i Elbląg z portami zachodniej Europy”, Wcisla, 07/06/2016, Kanał przez Mierzeję bez Wisły straci 50% wartości – Jerzy Wcisła (wcisla.pl) (consulté le 11/11/2022)

“The idea was to keep this road symbolically open, so that we would not have to ask permission from a country that is not friendly to us, a country whose authorities do not hesitate to attack and enslave others” in “Polish President: opening of the canal through the Vistula Spit is a great victory for Poland”, Poland at Sea, 19/11/2022 https://www.polandatsea.com/polish-president-opening-of-the-canal-through-the-vistula-spit-is-a-great-victory-for-poland/ (consulté le 11/11/2022)

“The fact that a very hostile rhetoric has been coming from Poland in the recent months - it has long stopped being friendly, but it has become hostile in the recent months” in “Poland may pose threat to Ukraine’s territorial integrity, Kremlin spokesman says”, TASS, 6/05/2022, https://tass.com/politics/1447863 (consulté le 01/1/2022)

“The Russian Federation decided that the provisions of the 1945 agreement ceased and it is necessary to sign a new agreement on sailing possibilities”, in Yann Richard, Alexander Sebentsov et Maria Zotova, “The Russian exclave of Kaliningrad. Challenges and limits of its integration in the Baltic region”, Journal Open Edition, 2015, The Russian exclave of Kaliningrad. Challenges and limits of its integration in the Baltic region (openedition.org) (consulté le 08/11/2022)

“Un message à la Russie : les États-Unis déplacent des troupes et des chars en Lituanie”, L’Express avec AFP, 21/10/2019,"Un message à la Russie" : les États-Unis déplacent des troupes et des chars en Lituanie - L'Express (lexpress.fr) (consulté le 04/11/2022)

“Zalew Wiślany jest chroniony dyrektywami środowiskowymi, których stróżem jest Komisja Europejska. Inwestycja, która oddziałuje na to środowisko, musi być realizowana pod kontrolą Komisji Europejskiej”, “Marzenia Platformy Obywatelskiej”, Port El, 25/02/2019, https://www.portel.pl/spoleczenstwo/marzenia-platformy-obywatelskiej/110270 (consulté le 11/11/2022)

La frontière polo-russe, outil de représentation de l’adversaire ? Les enjeux géopolitiques de l’aménagement de la lagune de la Vistule.